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Christophe Commentale Catalogue édité pour l’exposition
à la Maison du Parc de Mongroux
Tomber dans les bégonias
Le plus grand conservatoire de bégonias est situé à Rochefort.
Annie Bascoul habite, elle, à Saint-Nectaire. Elle ne connaît probablement pas aussi bien que moi ce conservatoire. Elle est, cela étant, une amatrice chevronnée de végétaux et une naturaliste excentrique. Qu’elle aime les plantes, la Nature, on le savait déjà : ses livres uniques et ses installations sur ses ancolies étaient magistrales, magiques, autant poétiques que tactiles et sensuelles. Les réminiscences textuelles ne faisaient alors qu’ajouter à cette approche très personnelle. Les livres créés étaient, outre leur format sur mesure, constellés de fils, coton-couture, métal-industrie, qui s’entremêlaient et rajoutaient un élément chromatique, une touche de lumière imperceptible.
Depuis quelque temps, son regard s’est posé sur une fleur aussi multiforme que multicolore : le bégonia. Remontant, en cascade, à feuilles lancéolées, crénelées, mouchetées ou monochromes, à bractées exubérantes ou à pétales symétriques. L’embarras du choix s’est canalisé pour cette créatrice jusqu’à lui en faire perdre la tête et à ... tomber dans les bégonias
Comme elle est coutumière pour chacune de ses créations, Annie Bascoul doit maîtriser un processus technique de fabrication large et difficile. Elle est ingénieur, artisan, couvre ainsi les étapes qui mènent à ces instants propices à laisser libre cours vers ce qui va insensiblement donner une création finie.
les plantes, celles qu’elle cultive, sont observées, cueillies, scannées, deviennent des modèles photocopiés, des gaufrages, collages. Elles s’enchaînent dans ce livre-accordéon comme des lés de tissu, des pans d’une oeuvre aux couleurs contrastées qui pourraient former un polyptyque infini de branches et de fleurs.
Cette réalisation hors du commun pose à nouveau la question du statut du livre d’artiste. Le produit oscille toujours, de façon très surannée et déjà romantique, entre l’ersatz de document bon marché, à tirage restreint, à diffusion marginale et le livre de bibliophilie classique à tirage forcément limité, voire unique, manuscrit unique et donc assimilable à l’oeuvre d’art, bien sûr, unique, pour laquelle un budget spécifique, et élevé est nécessaire et dédié. Au fil de l’évolution de cette forme artistique déjà forte de plusieurs décennies d’une existence variée, des conceptions variées se sont juxtaposées les unes aux autres. Différentes directions ont été prises par les créateurs tant pour la réalisation physique du livre I manuscrit en lui-même qu’en ce qui concerne le(s) contenu(s) et la coexistence texte / image et aussi sur l’esthétique ainsi véhiculée de la somptuosité vers un minimalisme plaisant le temps d’un regard...
Un jalon vient d’être posé qui fixe une sorte de définition idéale entre fond et forme, et justifie d’autant une spécificité de livre, d’oeuvre d’art, de multiple, d’unique, avec ces bégonias surgis du centre de l’hexagone.